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Mon histoire avec l’Amylose

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Mon histoire avec l’Amylose

C’est une histoire à vous couper le souffle, au propre plus qu’ au figuré.

Celle du souffle vital qui vous quitte peu à peu sans que vous sachiez pourquoi.

Une histoire dont on ignore l’origine mais dont on connait la fin.

Une quête infructueuse qui vous mène, les jambes lourdes et le souffle court, de spécialiste en spécialiste, chez tous les « -ologues » du répertoire, trois, quatre années d’errance médicale… jusqu’à ce que le hasard vous place sur la route du Professeur D, Celui qui connaît l’ennemi invisible qui a sournoisement commencé l’invasion de votre corps, rigidifié votre cœur et tente une incursion dans vos reins, votre estomac ou votre foie…

L’ennemi avance masqué et pour le débusquer de façon certaine, il vous faut vous soumettre à une longue suite de tests et d’examens, plus ou moins désagréables, plus ou moins douloureux. Presqu’une liste à la Prévert :
Fibroscopie, coronarographie, prélèvement de glandes salivaires, de sang, d’urine, de moelle osseuse, biopsies diverses, radios, scanner, IRM, tests d’effort, cathétérisme, électromyogramme, myélogramme, électrocardiogramme, scintigraphie…

A l’issue, le couperet tombe et le mot est prononcé : Amylose, une pathologie d’autant plus inquiétante qu’elle est rare et de ce fait, méconnue de la plupart des hommes de médecine.

Le premier chapitre est celui d’une chute dans un puits profond aux parois couleurs de désespoir car l’annonce a été brutale : INCURABLE, URGENCE, PRONOSTIC VITAL ENGAGÉ. Peur panique lorsque CHIMIOTHERAPIE est l’unique mot qui a percuté votre cerveau, un effroi si intense que vous commencez par refuser d’affronter l’adversaire.

Fort heureusement, le personnel au fort pouvoir de persuasion, aux paroles douces et encourageantes, aux soins vigilants, vous mène- rapidement car votre condition est critique- à la compréhension, à la résignation et finalement à l’acceptation des soins.
S’ensuivent trois mois de traitements et de surveillance au sein d’un service de cardiologie : plus d’une quinzaine de comprimés à prendre quotidiennement, chaque jour des analyses, votre corps se couvre petit à petit d’hématomes dus aux piqûres et aux perfusions. Vous découvrez le rythme de vie d’un service hospitalier, et bien sûr, la chimiothérapie qui cristallise toutes vos peurs. Elle est dite légère et globalement bien supportée.
Une fois dépassé l’état de sidération initial, c’est avec détermination que vous saisissez les armes.
Au fil des semaines, votre corps s’habitue… Les défibrillateur et pacemaker que l’on a logés sous votre clavicule afin de prévenir toute défaillance électrique de cœur vous rassurent, les oedèmes de vos jambes ont disparu , le souffle se fait plus régulier, les marqueurs cardiaques s’améliorent, l’inquiétante possibilité d’une inscription sur la liste des candidats à la transplantation cardiaque n’est plus à l’ordre du jour et le retour à la maison est enfin possible : soulagement de retrouver famille et amis et inquiétude de devoir apprendre à vivre avec cette épée de Damoclès, loin de l’étroite et réconfortante surveillance des professionnels.

Et le second chapitre peut commencer.

Quelques semaines de rééducation cardiaque sont programmées dans un centre proche de votre domicile où l’on vous apprend à gérer votre activité physique grâce à des exercices quotidiens de marche, vélo et gymnastique. Faire travailler son cœur régulièrement semble être une condition nécessaire pour éviter la progression de la maladie.

En parallèle et parce qu’à la roue de la malchance vous avez tiré le numéro « myélome », maladie hématologique à l’origine de votre amylose, l’amélioration est lente et le traitement prolongé… Succession de courtes rémissions, rechutes, nouveaux protocoles, trois lignes de traitement en deux ans et demi et l’arrivée du Coronavirus vient perturber vos efforts, ajouter du stress au stress.

En pleine pandémie et malgré la canicule, il vous faut vous soumettre à une autogreffe de moelle osseuse (proposée conjointement par les deux équipes de cardiologues et hématologues qui vous suivent depuis le début de votre parcours).
Cette fois, on « joue » dans la cour des grands : trois semaines d’hospitalisation, forte chimio suivie de quelques jours d’aplasie diarrhées, perte de poids, des cheveux… tout ce que vous aviez craint au départ, vous terrasse … La souffrance est présente au quotidien.
Le retour à la maison s’effectue comme prévu au bout de trois semaines mais le rétablissement est long.

Une troisième année s’est achevée, un semestre s’est ajouté et les visites à l’hôpital se sont espacées. Le traitement de fond demeure, avec ses inconforts mais c’est du temps gagné sur la maladie, ce temps que vous aviez toujours pris pour argent comptant et qui est devenu si précieux.

Se découvrir aussi subitement gravement atteint, c’est plonger brutalement au fond de vous-même et apprendre à savoir qui vous êtes réellement.
C’est une histoire de rejet et d’acceptation, de renoncement et de résistance, un mélange de sensations contradictoires qui vous transforment à jamais.

Il s’agit tout d’abord d’intégrer le fait que rien ne sera plus comme avant.
Vivre avec la menace permanente d’un avenir incertain et en digérer l’injustice alors que vous avez toujours mené une vie saine et équilibrée.
S’obliger sa propre mortalité. Réaliser que la suite de votre parcours sera très certainement accompagnée de l’expérience de la douleur, que vous ne verrez peut-être pas évoluer vos enfants, ne serez pas en mesure de soulager la vieillesse de vos parents, ne partagerez pas la retraite tant attendue de votre conjoint … C’est aussi prendre par écrit les décisions qui s’imposent : nommer une personne de confiance, anticiper des décisions de fin de vie… votre fin de vie…

Seule l’acceptation de votre sort vous permettra de vivre avec cette menace..
Or, l’absence de rébellion ne signifie pas renoncement. Bien au contraire, elle requiert force et énergie.
Cette force, je l’ai d’abord trouvée grâce à l’aide chimique des antidépresseurs mais c’est surtout dans l’échange avec les médecins, personnels soignants et les liens très forts que j’ai pu tisser avec d’autres patients que j’ai pris en main d’autres armes.

Trois ans et demi après le choc de la découverte, j’ai retrouvé des activités quasi normales, je continue à entretenir mon état cardiaque par la marche active et le vélo, je pars en vacances. Mais il n’est pas un jour où la maladie ne se rappelle à moi. J’ai pleuré des amis qui ont perdu la bataille.
Malgré tout, je demeure confiante et mets tous mes espoirs dans la recherche, les efforts des équipes qui se battent pour trouver des fonds, pour lutter contre l’errance du diagnostique et je les en remercie de tout mon cœur malade.

Mon histoire avec l’Amylose – Sylvie – France